[La politique de la ville en France : fondements, évolutions et enjeux Dossier ressources ORIV Alsace - août 2009, pp. 6-8]
2 - LA VILLE, LIEU DE TOUS LES DANGERS ?
La ville, espace de ségrégation
La ségrégation est l’action de mettre à part, de séparer des groupes sociaux. La séparation de la ville en différents espaces, marqués par des résidents de niveaux socioéconomiques différents, n’est pas nouvelle. L’opposition entre quartiers bourgeois et quartiers populaires a toujours existé. L’élément nouveau réside dans la forme, l’amplitude et la visibilité de cette spécialisation des espaces urbains.
Le lieu de résidence agit aujourd’hui comme un marqueur social2. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce séparatisme entre classes supérieures et pauvres :
- D’une part, on assiste à une forme de « ghettoïsation par le haut », les élites mobilisant leurs ressources pour se mettre à l’écart, en recourant à des stratégies d’évitement. Les effets directs de cette stratégie résidentielle est le maintien du coût du foncier ou des loyers du parc privé à un niveau élevé, inaccessible aux petites classes moyennes. De plus, sur le marché du logement privé, les personnes pauvres ou précaires ne peuvent fournir les gages demandés par les propriétaires, situation inextricable à laquelle peuvent s’ajouter des discriminations liées à l’origine réelle ou supposée des personnes.
- De l’autre, la répartition des logements sociaux sur le territoire est très inégale : ils sont concentrés dans certaines zones urbaines et non répartis sur l’ensemble de La commune ou de l’agglomération. Ainsi la concentration de familles pauvres est un phénomène par défaut, dans lequel ne rentre aucune stratégie active. Elle est subie et entraine souvent un sentiment de relégation et de non reconnaissance. En effet, les habitants des quartiers d’habitat populaire ont peu à peu eu le sentiment d'être considérés comme des « citoyens de seconde zone ». Cette impression de non-reconnaissance conduit à une defiance envers les politiques et les pouvoirs publics.
On voit ainsi que l’entre soi existe à tous les niveaux, mais que selon les catégories sociales concernées, il génère plus ou moins de craintes et de fantasmes et est ou non considéré comme un risque pour la cohésion sociale.
L’image de la ville
L’image de la ville a subi des évolutions importantes ces trente dernières années : elle est passée d'une représentation positive à une symbolique négative. Si la ville était symbole de progrès, de modernité et lieu créateur de richesses, la crise économique de 1974 a bouleversé cette image. Cette dernière a fait ressortir les insuffisances d'une urbanisation trop rapide générant des villes éclatées et créant un phénomène de zonage. La paupérisation des populations, la dégradation accélérée du bâti ont fait de la ville le creuset de l'exclusion, de la marginalisation et de la ségrégation spatiale.
Toutefois, ce n'est pas l'ensemble de la ville qui est mis en question dans lês représentations, mais les grands ensembles, les « quartiers en difficultés » ou encore les « quartiers sensibles ». On notera qu'aujourd'hui dans le discours courant, il suffira de parler des « quartiers » pour que « chacun sache ce dont on parle : à savoir ces quartiers d’habitat populaire, situés à la périphérie des grandes agglomérations, quartiers populaires où vivent une partie importante des étrangers ou plus largement des populations issues de l’immigration postcoloniale »3.
La politique de la ville en France : fondements, évolutions et enjeux Dossier ressources ORIV Alsace - août 2009 7Média et quartiers d’habitat populaireLes média ne se sont réellement emparés de la question des « quartiers sensibles »qu'après les violences urbaines de 1990 à Vaulx-en-Velin, où un jeune habitant du quartier du Mas-du-Taureau a trouvé la mort suite à une course poursuite avec lês forces de police. « Le sort des quartiers d'habitat populaire restait jusque là une question mineure, traitée par des acteurs relativement marginaux de l'administration, de l'expertise ou de l'université »4.
A partir de ces évènements, tous les journaux s'emparent du sujet et lês commentaires gagnent en « généralité », c'est à dire que c'est « d'emblée um problème général qui est évoqué », où le territoire, le « quartier » devient un acteur à part entière. Les discours politiques, journalistiques ou de spécialistes vont peu à peu occulter le fond du problème (les relations entre jeunes et police et la mort d'un jeune homme) au profit d'une généralisation du discours sur la « politique de la ville », lês « incidents » et les quartiers qui seraient « malades ».
Les média jouent un rôle crucial dans le traitement de l'information des violences urbaines : les flammes, les incendies ont un caractère spectaculaire et fascinant. La sur-médiatisation de ces phénomènes et la recherche du « sensationnel » marquent les esprits de tous. Le fossé se creuse alors entre les habitants des « quartiers » qui se passeraient bien d'une telle « publicité » et qui ne se reconnaissent pas forcément dans les discours, et les habitants « hors quartiers » qui craignent pour leur sécurité et cherchent à s'éloigner le plus possible de ces territoires et de leurs habitants.
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