sábado, 24 de setembro de 2011

FRANCE - DES ENJEUX SOUS-JACENTS


[La politique de la ville en France : fondements, évolutions et enjeux Dossier ressources ORIV Alsace - août 2009, pp. 10-15]

4. DES ENJEUX SOUS-JACENTS


La mise en oeuvre de la politique de la ville s’accompagne d’enjeux, qui pour certains du fait de leur récurrence prennent parfois un caractère incantatoire.

La question de la mixité sociale

La mixité sociale est vue par beaucoup comme un idéal, un objectif à atteindre comme remède à la « question urbaine ». En effet, obtenir le retour des classes moyennes dans les quartiers d’habitat populaire permettrait d'exercer un « effet d’entraînement »5 sur les habitants.

Dans les politiques publiques, elle est mise en avant comme un moyen de lutter contre la ségrégation territoriale, la spécialisation et la relégation des territoires en difficultés, mais aussi comme un moyen d’éviter le repli identitaire, voire communautaire, de ces mêmes territoires. Ainsi cette notion part du présupposé (souvent non explicité) que le fait d’être côte à côte crée du lien social de manière quasi-automatique. Ainsi, on fait comme si la proximité spatiale permettait d’occulter la distance sociale et de créer des lieux de relations entre les individus et donc le « vivre ensemble ». La réalité est toute autre.

Le principe de séparation, de ségrégation (voire de « distinction ») a toujours prévalu et continue de prévaloir, notamment pour ceux qui en ont le choix. L’expérience montre que la cohabitation imposée n’aboutit pas forcément à du lien mais peut générer des tensions et des conflits de voisinage. Cette notion de mixité sociale est présente dans le cadre législatif, mais plus souvent sous un angle prescriptif (voire injonctif) qu’opérationnel, ne faisant jamais l’objet d’une définition claire.

Les questions auxquelles ne répondent pas les différentes lois et plans en faveur du développement social urbain sont :

- A quelle échelle cette mixité doit se faire (cage d'escalier, rue, îlot, quartier, commune...) ?

- A quel moment estime-t-on que l'idéal de mixité est atteint ?

Le paradoxe réside toutefois dans le fait que les quartiers d'habitat populaire sont désignés pour leur absence de mixité sociale, alors qu'aucun autre territoire n'accueille une telle diversité de populations.

La participation des habitants

La participation des habitants est inscrite depuis l'origine dans les procédures et dispositifs de la politique de la ville. Mais ce n’est que lors du Comité Interministériel des Villes du 30 juin 1998 que la « participation des habitants » a été formellement identifiée comme un enjeu. Elle est alors posée comme une condition à la signature par l'Etat des contrats de ville  2000-2006 et positionnée comme étant au coeur de la politique de la ville. La circulaire du 14 octobre 1999 relative à la négociation des contrats de ville 2000-2006 précise que « les modalités de consultation et d’association des habitants à l’élaboration, à la mise en oeuvre et au suivi des programmes d’action des contrats de ville doivent être très explicitement définis dans les contrats de ville »  Parallèlement différentes lois ont créé des cadres de concertation ou de participation des habitants et des obligations pour les communes.

Les objectifs, de cette injonction forte à la participation, sont de trois ordres pour le
SGCIV6 :

- Restaurer la crédibilité et la légitimité de l'action publique ;
- Valoriser les initiatives d'habitants, modifier les relations professionnels/habitants, améliorer l'image de soi ; 5 Jacques DONZELOT, Quand la ville se défait, Paris, Seuil, 2006, 190 p. 6 Secrétariat Général du Comité Interministériel

- Moderniser les services publics, afin de renforcer les conditions d'accès aux droits et mieux répondre aux demandes des usagers.
Mais la participation des habitants se heurte dans sa mise en oeuvre à de nombreuses difficultés :

- Son caractère incantatoire : de nombreux travaux mettent en avant le caractère
itératif et prescriptif de la participation et ses avancées limitées sur le terrain ;
- La peur du politique : la participation est à la fois souhaitée et redoutée (peur d'un contre-pouvoir et peur de ne pouvoir répondre aux questions)

- Le positionnement de la question de la participation : elle est souvent abordée sous l'angle technique (par exemple les fonds de participation), alors que cette question relève d'une dimension politique (au sens étymologique du terme)

- Un problème de sens : le terme de participation est utilisé pour désigner différents types de mobilisation (implication, information, concertation...).

La place des associations

Dès le début des années quatre vingt les associations ont joué un rôle primordial dans la politique de la ville : acteurs de terrain, au plus près des habitants des territoires en difficultés, leurs actions ont toujours été saluées par les gouvernements successifs, malgré les difficultés récurrentes auxquelles elles sont confrontées, notamment sur le plan financier.

Les associations oeuvrant pour la politique de la ville ne forment pas un ensemble homogène et il est difficile de trouver une définition. Le député Jean-Claude Sandrier7 propose de définir « les associations oeuvrant pour la politique de la ville comme les associations partenaires de cette politique publique ». Parmi le tissu associatif, les associations dites de proximité occupent une place à part.

On y trouve en particulier des associations désignées selon les cas comme « issues de l’immigration », « immigrées », « communautaires », qui se sont fortement développées à partir de 1981, date à laquelle les étrangers ont eu le droit de se constituer librement en association.

Cette notion de partenariat est au coeur de leur positionnement. Pour autant, les associations sont libres de s’organiser comme elles le souhaitent et de mener les actions qui leur semblent pertinentes. Elles n’ont à rendre des comptes aux institutions qu’à partir du moment où elles ont sollicité et obtenu des subventions publiques.

La question du financement des actions est une difficulté récurrente. Les subventions arrivent tard dans l’année et la situation est toujours critique pour les structures n’ayant pas une trésorerie suffisante. La multiplication des sources de financement et des interlocuteurs au sein des différentes collectivités est une autre difficulté à laquelle elles sont confrontées.

Qualifier de partenaires les associations devrait signifier une forme de co-élaboration des priorités, un point de vue partagé. Dans certains cas, apparaît une certaine défiance des techniciens en charge de l’instruction des dossiers, mais aussi de certains politiques envers les associations. Cette défiance est surtout liée à une méconnaissance des structures, mais elle contribue à renforcer une position d’exécutant et non de partenaire. 7 Jean-Claude SANDRIER, Les associations et la politique de la ville, Rapport au Premier ministre, Paris, La Documentation française, 2001, 160 p.
La géographie prioritaire et la question du zonage

Il n’y a pas de politique de la ville sans géographie prioritaire. En 1977, est créé un comité interministériel « habitat et vie sociale », dont l’approche est novatrice en ce qu'elle se veut transversale et globalisante. Elle reste expérimentale et très ciblée localement. C'est le triomphe des sites pilotes. Les sites concernés par les procédures de la politique de la ville constituent ce que l’on appelle la géographie prioritaire. Cette notion de géographie prioritaire a fortement évolué depuis le démarrage des dispositifs relevant de la politique de la ville. La mise en place à partir de 1994 d'une procédure unique appelée Contrat de Ville était conçue dans un objectif de clarification des dispositifs et de recentrage de l'action de l'Etat sur les sites les plus en difficultés. Cette volonté sans cesse réaffirmée rencontre des obstacles de taille du fait des réalités socio-économiques (dégradation de la situation des territoires), mais aussi des volontés des élus locaux.

Le Pacte de Relance pour la Ville de 1996, a défini une « géographie à entonnoir » des territoires prioritaires

- Les Zones Urbaines Sensibles – ZUS ont été définies pour être la cible prioritaire de la politique de la ville, en fonction des considérations locales liées aux difficultés que connaissent les habitants de ces territoires : « Les zones urbaines sensibles sont caractérisées par la présence de grands ensembles ou de quartiers d'habitat dégradés et par un déséquilibre accentué entre l'habitat et l'emploi ». Il y a 751 ZUS en France (717 en métropole, qui concernent 4,46 millions d’habitants en 1999).

- Les Zones de Redynamisation Urbaine (ZRU) « sont confrontées à des difficultés particulières » en raison de leur taux de chômage élevé, de leur large proportion de personnes non diplômées et de leur faible potentiel fiscal communal. « Elles correspondent à certains quartiers » des ZUS et permettent aux entreprises de
bénéficier d’exonérations incitatives pendant 5 ans. Il y a 416 ZRU en France.

- Les Zones Franches Urbaines (ZFU) sont des quartiers défavorisés de 8 500 à 10 000 habitants situés dans une zone de redynamisation urbaine (ZRU) et considérés comme les plus en difficultés de la géographie prioritaire de la politique de la ville. Les entreprises peuvent bénéficier d’exonérations fiscales très incitatives pour une durée de 5, 8 ou 14 ans. Il y a 100 ZFU en France. Ce découpage est venu se surajouter à ceux existants (comme les ZEP) et restent toujours d’actualité.

Une réflexion nationale est en cours pour redéfinir la géographie prioritaire. Ainsi, la politique de la ville, politique d’exception, s’adresse à certains territoires et non à l’ensemble du territoire urbain. Elle se trouve confrontée de ce fait à un paradoxe. En effet, la nécessité de sérier les territoires les plus en difficultés nécessitant un renforcement de l’action publique est mise à mal par le risque de désignation et de stigmatisation de ces quartiers, entraînant de fait un renforcement de l’exclusion. Les démarches initiées à ce jour, les volontés de déplacer la focale sur la ville plutôt que le quartier, n’ont pas eu les effets escomptés.

L’évaluation de la politique de la ville

L’évaluation est un enjeu important et récurrent dans la politique de la ville. Depuis une dizaine d’années elle a fait l’objet de nombreux rapports questionnant son utilité et mettant en avant les difficultés à mesurer ses impacts.

« L'évaluation d'une politique publique (...) a pour objet de rechercher si les moyens juridiques, administratifs ou financiers mis en oeuvre permettent de produire les effets attendus de cette politique et d'atteindre les objectifs qui lui sont assignés ». Sa mise en oeuvre dans le cadre de la politique de la ville a été beaucoup plus complexe. En 1998, les différents dispositifs ont donné lieu à des démarches d’évaluation mais seulement partielles. Avec les contrats de ville de 2000, l’évaluation est apparue comme un enjeu à part entière dans la mise en oeuvre des dispositifs. Pour autant elle n’a pas toujours été mise en oeuvre de manière satisfaisante. Rarement concomitante à l’action, elle a souvent été menée in fine sans permettre de réinterroger de manière suffisante l’action.

La mise en oeuvre de la LOLF (Loi organique portant réforme des lois de finances -  2006) est venue renforcer la necessité  d’une évaluation. Cette loi modifie fortement les rapports de l’Etat et des structures (collectivités, associations…) avec lesquelles il est en contact, dans la mesure où elle s’inscrit dans une logique de résultats et plus seulement de moyens. Concrètement cela signifie que les budgets ministériels ont une déclinaison en « programmes » et que chaque programme relève d’objectifs précis, fait référence à des indicateurs opérationnels et fixe des obligations.

Les Contrat Urbains de Cohésion Sociale 2007-2009 ont été soumis à une injonction forte d’évaluation, dès leur mise en oeuvre (cf circulaires de l’été 2007). Il s’agit de se donner les moyens d’une évaluation plus pertinente que celles réalisées dans les contractualisations précédentes. Mais les différentes évaluations nationales ou locales se heurtent toutes aux mêmes difficultés :

- Comment évaluer les effets d’une politique publique à une échelle aussi fine (infracommunale) ? Les indicateurs de contexte n’existent pas ou ne sont pas forcément pertinents à l’échelle du quartier.

- Comment faire la part entre le contexte socioéconomique global et l’accroissement ou l’amélioration des difficultés des territoires ? La politique de la ville n’a aucune prise sur le marché de l’emploi par exemple.

- Comment isoler les effets de la politique de la ville, au regard des divers dispositifs existants (droit commun, dispositifs spécifiques, etc…) ?

- La nécessité de former les professionnels à la question de l’évaluation. Par ailleurs, mener ou animer une démarche d’évaluation est très chronophage et nécessite souvent des moyens supplémentaires. Intégration, discriminations et politique de la ville8 Les territoires « politique de la ville » sont concernés par les questions d’intégration et de discriminations, du fait :

- de la composition sociodémographique des territoires, marqués par une surreprésentation de la population étrangère (16% des habitants en ZUS sont étrangers9 pour une moyenne nationale de 5,5%) ;

- d’une exposition aux discriminations plus importante qu’ailleurs (discriminations liées à l'origine réelle ou supposée des personnes et à l'adresse - même si cette forme de discrimination n'est pas reconnue par la loi).  En effet, le taux de chômage en ZUS des jeunes diplômés garçons est de 15,3% (contre 7,4% en moyenne) et l’effet quartier majore de 10%, en moyenne le temps de sortie du chômage, y compris pour les diplômés. Par ailleurs, on sait qu’à diplôme égal, âge égal, région de résidence égale… le risque de chômage pour un homme immigré hors Union Européenne s’accroît de 17,2 points par rapport à un homme non immigré (27,2% de chômage au lieu de 10%, par exemple). Pour les femmes, il s’accroît de 15,5 points avec une tendance à accepter des postes sous qualifiés. Le fait d’habiter un quartier de la politique de la ville est, bien souvent, un facteur de discrimination qui induit une rupture dans l’égalité de traitement. Ce « délit d’adresse » se combine avec le « délit de faciès ». Selon une étude de la DREES10 « l’environnement résidentiel est un facteur de différentiation particulièrement pour les personnes issues de l’immigration.

 Ainsi, 39% des immigrés et 51% des personnes issues de l’immigration ayant vécu dans une cité déclarent avoir été en butte à des attitudes intolérantes ou discriminatoires ». 9 Est étrangère toute personne résidant en France et n’ayant pas
la nationalité française. 10 Direction de la recherche des études de l'évaluation et des statistiques, Le vécu des attitudes   intolérantes ou discriminatoires : de  oqueries aux comportements racistes, in Etudes et résultats, n° 290, février 2004, 12 p. 8 Voir aussi : ORIV, Immigration, intégration, discriminations… de quoi parle-t-on ? Quelques éléments de compréhension, Strasbourg,

Dans les faits, les politiques publiques en charge des questions d’intégration d’une part et de la politique de la ville d’autre part, se sont entrecroisées. « Intégrer les immigrés et gérer la crise urbaine sont devenus les maîtres mots d’une action publique territorialisée et contractualisée dès la fin des années 1980 »11. Au départ était posée une volonté d’un traitement simultané qui a échoué12 et a de fait donné lieu à la mise en place de deux politiques parallèles qui ponctuellement renoue des liens.

Ainsi, le lien entre ces différents enjeux est rarement établi en tant que tel. En effet, l’entrée de la politique de la ville est le territoire et non la population. De plus, l’idéal républicain qui pense l’individu comme un être universel, pris en compte en dehors de ses spécificités et de ses différences a également constitué un frein à une approche spécifique des publics.

Ainsi, la question de l’intégration des populations immigrées et plus récemment celle des discriminations raciales n’ont été prises en compte dans le cadre de la politique de la ville qu’à l’occasion des contrats de ville en 2000. L'intégration des populations immigrées et la prévention des discriminations y étaient positionnées comme une dimension transversale et devaient figurer dans les programmes d'action thématiques et territoriaux. Les circulaires encadrant la mise en oeuvre des CUCS en 2006 demandent que soient traitées les questions d’intégration, de prévention des discriminations et d’égalité des chances comme un enjeu transversal.

Ce positionnement transversal peut constituer un atout, mais présente aussi des limites. Les politiques publiques d’intégration et de prévention des discriminations sont  complexes et il ne suffit pas de les inscrire dans un document contractuel pour qu’elles soient prises en compte. Le fait de lier les différentes notions peut aussi avoir un effet de « brouillage », ne serait-ce que par manque d’identification du public concerné par
chaque politique :

- Intégration : personnes immigrées (personnes nées étrangères à l’étranger et qui vivent en France, ces personnes ayant pu acquérir la nationalité française ou non) et plus particulièrement les primo-arrivants (personnes arrivées récemment en France et amenées à y résider durablement) ;

- Discrimination : personnes rencontrant des inégalités de traitement (refus d’un bien ou d’un service) au regard de critères illégitimes prohibés par la loi (apparence, patronyme, genre, origine réelle ou supposée…) ;

- Egalité des chances : possibilité donnée à chaque citoyen de faire valoir ce qu’il sait faire, ses mérites afin de progresser dans la société. Cette politique publique en cours de construction se base sur une approche méritocratique pour des personnes rencontrant des difficultés d’accès à certains biens ou services.

Ainsi si l’inscription de l’intégration et de la prévention des discriminations dans la politique de la ville permet la prise en compte de ces questions dans les stratégies locales, il est nécessaire de faire un travail préalable de définition des enjeux locaux :

- En faisant un détour par l’histoire pour comprendre le peuplement des territoires  relevant de la politique de la ville, et donc du développement social urbain ;

- En définissant le sens de ces notions (intégration, discriminations…) et ce qui en est attendu. Les études montrent que les derniers Contrats de ville ont travaillé davantage à l’intégration socioculturelle, à la citoyenneté, à la lutte contre le racisme qu’à la lutte contre les discriminations proprement dites ;

- En spécifiant les enjeux locaux (De quoi s’agit-il ? Qu’est qui est en jeu ? Qui est concerné ?). Un diagnostic clair de la situation locale est un préalable nécessaire. Il s’agit d’identifier : qui sont les populations en présence (primo-arrivantes, immigrées, issues de l’immigration) et quelles sont les difficultés rencontrées : adaptation à de nouveaux usages, maîtrise de la langue, discriminations, inégalités sociales…

- En sériant les problèmes et en adaptant les réponses à ces questions.  11 CHEBBAB-MALICET Laure-Leyla, Des liaisons dangereuses ? Intégrer les « immigrés » et gérer la crise urbaine, in Ecarts d’identité, n° 90/91, sept.-déc. 1999 12 Il est ici fait
référence au programme des Sites Pilotes pour l’Intégration (SPI). Soixante sites ont été définis, sur la base de la circulaire du 25
juillet 1990 du Premier Ministre. Il s’agissait alors de « poser les jalons d’une politique d’intégration territorialisée » venant abonder la politique de la ville.

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